Webdesigner Trends

Affinity Designer, l’Illustrator killer.

Utilisateur d’Illustrator et de la suite Adobe depuis une quinzaine d’années, autant dire que les habitudes sont solidement installées. Autant dire également qu’au fil des années, la suite et ses logiciels ont pris une direction bien lourde, tentant de faire ingurgiter 3D et vidéo à Photoshop, tentant de faire devenir Indesign un outil d’UX et de webdesign (???)… L’ergonomie et les outils accusent le coup.

Illustrator a toujours fait partie de mon workflow quotidien. Créer des formes vectorielles, motifs, patterns, les expédier dans Photoshop pour de la photocompo, ou plus récemment, nourrir des bibliothèques partagées. De la création d’identité, et bien sûr, toute la puissance du dessin vectoriel. De l’illustration, pour passer du papier au numérique, OUI mais…

Devoir systématiquement batailler avec des décompositions de formes, des alignements au pixel, des erreurs d’affichage, de l’impossibilité de gérer nativement et en toute transparence des ajustements précis, voilà bien des manipulations devenues complexes au fil du temps. Alors, certes, il y a bien eu des innovations convaincantes (reconnaissance des formes, l’outil épaisseur des tracés – redoutable !), des filtres vectoriels natifs. Seulement, cela suffit-il à renverser la lourdeur des dernières versions ? Sur le plan de la performance Illustrator a pris de l’embonpoint (tout comme Photoshop en mode multi artboards devenu très très laggy même sur des machines récentes)…

Affinity Designer s’est présenté à moi tout simplement. Je ne sais plus exactement comment mais, rapidement, j’installais la démo d’un mois. La prise en main a été immédiate. Outre sa compatibilité avec presque tous les softs (copy paste™), son choix d’export confort, je me suis rapidement retrouvé à travailler avec la bête.

Mon premier rencard sensible avec Designer fut le lieu d’une création d’identité. Il existe aujourd’hui de nombreux tutoriels, à la fois sur le compte Vimeo de l’éditeur, à la fois sur Youtube (la communauté grandit à vue d’œil). Je me suis donc offert une petite overview rapide des fonctionnalités dispos et après une petite heure, j’étais prêt à en découdre, l’interface à portée de souris. 

L’interface

Cela doit être dit, les années Adobe ont largement défriché le terrain, et cela participe largement à la prise en main rapide d’Affinity. 

Les raccourcis sont presque tous déjà mappés, et si jamais quelque chose venait à manquer tous les raccourcis sont customisables. De la même façon, les toolbars sont personnalisables, autant dire qu’il est possible de se faire un espace de travail totalement sur mesure.

Les modes personas

Affinity est splitté en trois modes :

• Draw Persona : le mode vectoriel d’Affinity qui comme son petit nom l’indique est dédié au « dessin » (entendre « design » dans tous ces états…).

• Pixel Persona : le mode pixel / bitmap où l’on retrouve des basiques de la retouche image.

• Export Persona : le mode découpage, attention chérie ça va trancher.

Tout cela n’est pas sans nous rappeler feu Fireworks, le couteau suisse né Macromedia, suriné par Adobe, qui dans sa schizophrénie était un pont plutôt bien fait entre Illustrator et photoshop… Indéniablement, il n’aura pas été sans inspirer les gens de chez Serif. 

Less is more

À l’heure des considérations sur la fatigue décisionnelle, j’avoue que la clarification et la compartimentation de l’interface fait vraiment du bien.

À première vue de toolbar, on notera immédiatement l’apparente simplicité de celle-ci. 

Contrairement à Illustrator qui recèle de fonctions cachées qu’il vous faudra soit extirper de leur barre, soit cliquer longuement pour les voir apparaitre, ici, tout est visible ou presque. Sélection directe, Plans de travail, Sélection précise, Outil angle, Plume, Crayon, Pinceau vectoriel, Dégradé, Transparence, Insert image, Cropper, 3 formes essentielles, Formes spéciales, Texte (direct ou option bloc), Pipette, Main et Zoom. 

Loin de la toolbar compliquée d’Illustrator, des icônes en couleur, une organisation minimale pour un minimum de fonctionnalités cachées. 

Ce qui change vraiment

D’abord, c’est rapide, très très rapide…

Affinity, c’est un coup de boost intégral au workflow. Et je crois vraiment, qu’en préambule, on peut dire que son potentiel de Photoshop Killer réside presque essentiellement en cette fluidité hallucinante. Qui se coltinait jusqu’à présent des docs avec du multi artboard Photoshop sait de quoi je parle… 

Le temps réel, ça vous parle ?

Toutes les modifications de filtres, fusion, couleur, TOUT, se fait en temps réel. Pour les modes de fusion, un survol suffit pour prévisualiser les effets (ce qui vous manque pour l’éternité quand vous ré-ouvrez Photoshop). Même fluidité et même expérience avec les modifications en temps réel des occurrences de symboles sur les plans de travail.

La fusion vecto / bitmap, ça vous parle ?

Un des points cruciaux du soft. La force de la fusion du mode Draw et Pixel persona. Qui veut donner de la vie à des créations vectorielles en amenant toute la force de la texture bitmap comprendra ce dont je parle ici… La force de créer des illustrations vectorielles et de les attaquer directement au pixel, comme si photoshop était intégré à Illustrator : une vraie vraie nouveauté dans le workflow des illustrateurs vectoriels.

Le zoom infini, ça vous parle ?

Oui, le zoom est infini. Fluide, rapide, stable. 

La toute puissance du calage au poil de poil enfin là, pour de vrai.

C’est beau, ça le fait, et c’est tellement adopté que ça fait un peu mal de retourner à la pré-histoire du zoom. 

Sélection et sélection directe. 

Justement, c’est là que ça change beaucoup. La sélection est bien plus smart que sur Illustrator. Un click and drag intelligent qui ne sélectionnera que les formes dont tous les points auront été sélectionnés (cf. video) Ajoutons à cela la possibilité de faire tout de même une sélection au clic sur l’objet (comme sur Illustrator). C’est en cas d’objets multiples et superposés que le premier mode de sélection est salvateur. Que de temps perdu à parfois désélectionner des dizaines de points dans Illustrator…

Une grande différence réside sans doute dans le système d’interaction avec les différents tracés. Oubliez ce que vous connaissez sur les points, leur ajout, leur suppression… Dans Designer, on ne change pas d’outils pour corriger les poignées des ancres, pour ajouter un point sur un tracé, pour en supprimer. Quasiment tout peut se faire avec l’outil « Nœud » (cf. vidéo)

Les symboles

Ce que j’aime par dessus tout dans Affinity (…) et ce qui me rend fou chez Adobe avec leurs objets dynamiques.

Affinity permet de créer des symboles et donc des bibliothèques d’objets « dynamiques » mais à la grande différence d’Adobe, permet de modifier rapidement un symbole sans affecter toutes les occurrences de ce dernier. L’ingéniosité de la chose réside en la possibilité de désynchroniser une occurrence de son objet originel. 

Les contraintes

Parfaitement implémentables (et c’est sans doute là leur plus grand intérêt), les contraintes permettent de décider comment se comporte des objets imbriqués en groupe (et notamment dans des symboles), et notamment si ils sont ou non affectés par des déformations.

Outil d’angle

Sans être totalement neuf puisqu’Illustrator permet déjà d’intervenir Pour la création d’identité j’ai particulièrement pris goût à cet outil de gestion des angles. Plus intuitif encore, vous venez rapidement retravailler des points isolés ou des sélections multiples. Cette appréciation, je le laisse aux utilisateurs historiques d’Illustrator qui sauront apprécier le côté « smooth » de l’application.

Les Outils formes

Encore une fois, plus que très inspirés par les mêmes outils qu’on aimait dans Fireworks, les outils formes sont un gain de temps énorme dans le design et l’assemblage graphique. Le concept de formes n’est pas une révolution en soi, ce qui est très efficace c’est la force de l’édition ad libitum de ces dernières via des points spécifiques à chacune d’elle. 

Et en vrac, tout le reste, sans être dingue mais qui tourne très très bien…

Outil plume et dessin vectoriel

La plume comporte différentes options de tracé qu’il faudra choisir dans l’interface. Un comportement qui ne diffère pas réellement des éditeurs connus à part peut-être pour l’option « mode intelligent » qui adaptera conséquemment les courbes au fur et à mesure du tracé. 

Encore une fois, la force de Designer réside en la rapidité avec laquelle le dessin vectoriel peut être modifié avec l’outil Nœud. 

Echantillons (couleurs)

La gestion des couleurs dans Designer est intéressante puisque très complète. De nombreuses options sont disponibles, avec notamment la possibilité de créer également des nuanciers par document, mais aussi des couleurs globales et couleurs de calage. 

On y retrouve les différents nuanciers Pantone. 

Un petit supplément fort intéressant : 

Les plans de travail

Vous les retrouverez ici aussi. Tracez un rectangle, transformez le en plan de travail, Alt+draggez-le, rien de plus simple. Efficace, rapide. Le plus surprenant étant sans doute de ne constater aucun ralentissement malgré la multiplication des plans de travail, on peut difficilement dire la même chose chez Adobe.

Les grids

Entre autres grilles isométriques et grilles custom pour le design d’icônes, j’ai totalement ingurgité l’efficacité de ces dernières pour faire du design en mode perfect. Et je dois dire que de ce côté là, Illustrator me rendait totalement dingue avec ses options de non alignement au pixel… A s’arracher les cheveux…

Grilles custom pour icon design :

Grille isométrique :

La petite zone du relou mais pas trop…

• Affinity plante de temps à autres MAIS il créé des restaurations de fichiers. On pardonne facilement à qui sait s’excuser.

• Il me manque aujourd’hui des outils de déformation, transformation, filet, warp, skew (…) ce qui reste sommes toutes contournable.

• Et pour finir, il me manque un créateur de motifs bien bien pratique dans Illustrator qui permettrait de parfaire encore le soft…

Et le prix, on en parle ?

Parce qu’objectivement, tant qu’à faire, autant le dire… 49,99€ (maj incluses) c’est un peu comme si on roulait dans une Porsche qu’on avait payé 100 balles. Et c’est aussi pour cela que ma zone du relou est si infime… Serif a tellement mis un grand coup de gourdin dans le monolithe Adobe en proposant un produit d’une qualité aussi hallucinante, qu’il est difficile de venir maugréer.

Au delà d’être un challenger, Affinity change le jeu. For real. A ce prix là, c’est cadeau, vraiment… Personne n’offre aujourd’hui autant de prestation pro pour ce genre de tarif. Que ça soit dit. 

J’ai participé aux programmes de beta-tests (pre-release) chez Adobe pendant plusieurs années, et sans vouloir ouvrir une seconde brèche, Affinity questionne en profondeur sur le noyau / hardcore des softs Adobe. Depuis de nombreuses années la communauté d’utilisateurs se demande pourquoi l’on continue à implémenter sur une base vieillissante et à alourdir copieusement les softs. L’équation est largement déstabilisée puisque la surenchère de fonctionnalités nuit fatalement aux performances. L’usage quotidien de Designer est dans mon workflow une petite révolution. Il me parait aujourd’hui évident que la mise en œuvre des idées nécessite des outils qui raccourcissent le processus, pas l’inverse. Ces outils doivent accélérer les projets pas les alourdir. C’est son cas : done.

Le mot de la fin

Si je devais pousser plus loin les considérations sur le workflow idéal, je dirai qu’Affinity Designer est sans doute aujourd’hui le prétendant idéal pour les UX designers, webdesigner, mais aussi les illustrateurs digitaux, les artistes vectoriels (…) Et ce, bien loin devant Photoshop (qui fait également face à la fronde de Sketch) et qui me semble totalement faillir en terme de performances en tant qu’outil de webdesign et design d’interfaces.

Affinity Photo est également rentré dans mon workflow, et il y aurait beaucoup à en dire, d’autant plus que de ce point de vue, le constat serait beaucoup plus modéré sur l’édition photographique. Question d’habitude sans doute. La valeur ajoutée de Photoshop restant pour moi le compositing et la retouche de haute voltige…

Pour en finir avec les mots, je vous invite (si ce n’est pas déjà fait) à mettre les mains dans la démo, vous faire votre propre avis, faire tourner la bête sur un projet, et on en rediscute ?

Le site officiel d’Affinity :

affinity.serif.com/designer

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