Comment réagir face à des vols d’icônes quotidiens ?
Les grandes sociétés possèdent une armée d’avocats pour les défendre, tandis que les petits business en freelance sont protégés par leur quasi-anonymat, mais alors comment font les entreprises moyennes pour prévenir les vols ?
PS : C’est article est un témoignage par Andrew Burmistrov de chez Icons8, site d’icônes gratuites pour designers.
Saurez-vous faire la différence entre ces deux moutons ?
Et maintenant ?
En bas de page est écrit « Il est nécessaire de créditer l’auteur ». Une sacrée ironie.
Nous sommes au 21ème siècle et les gens se volent encore des moutons. Si nous étions il y a cent ans, il suffirait de prendre le fusil de notre père et d’aller récupérer notre bétail, malheureusement aujourd’hui, nous n’avons que la DMCA (la loi sur droit d’auteur au millénaire numérique).
Mais bon, ce n’est qu’une icône après tout, pas vrai ? Hé bien croyez-le ou non, il fut une époque où les gens ne nous volaient rien, c’était il y a douze ans, lorsque nous étions encore une petite entreprise conceptrice d’icônes protégée des vols par notre anonymat.
Puis, un beau jour, nous sommes tombés sur une personne donc l’unique but était d’enlever tous les tatouages numériques (ou watermarks) du monde, il avait alors utilisé l’une de nos icônes pour faire croire à une image qu’il avait « déwatermarkée ».
Une piètre parodie de sa publicité de l’époque.
Nous étions flattés, bien que nous n’ayons jamais utilisé de watermark auparavant.
Si son site web n’existe plus à ce jour, il est certain que cette personne est toujours vivante et qu’elle traîne quelque part sur Fiverr.
Puisque nous n’avions aucune expérience dans ce domaine, nous avons fait ce que la plupart des gens aurait fait, c’est-à-dire rien.
Et pendant des années, c’est ce que nous avons fait, dessiner nos icônes en silence tout en croyant que le monde était rempli de gens honnêtes et que les gens malhonnêtes ne savaient pas utiliser Google.
Jusqu’au jour où nous sommes tombés sur une autre personne qui s’amusait à organiser les œuvres d’autres designers, y compris nos icônes mais sans créditer qui que ce soit ni mentionner de licence.
Nous avons alors pensé qu’il s’agissait d’une erreur, son service était destiné à promouvoir le travail d’autres designers, nous lui avons alors envoyé un message sur twitter, auquel il a répondu par « Bonjour, veuillez contacter notre assistance par e-mail ».
Et c’est ce que nous avons fait en envoyant quelques messages amicaux au cours du mois qui a suivi.
Et puis rien. Des designers, nos propres frères, nous avaient ignorés, sans aucune mention de licence ni d’auteur et sans aucune réponse non plus. Ils avaient purement et simplement volé nos icônes, et ce fut la goutte qui fit déborder le vase.
Nous étions déconcertés et très en colère, sans avoir la moindre idée de ce que nous pouvions faire. Tout ce que nous voulions, c’était réparer le tort qui nous avait été causé, et le meilleur moyen d’y arriver était de déclencher une guerre. Et cette guerre commence avec…
La reconnaissance
Tout d’abord, nous devions déterminer qui utilisait nos icônes sans licence ni crédit, mais rechercher nos images sur Google ne donna guère de résultats satisfaisants, c’est pourquoi nous avions décidé d’héberger 655 de nos icônes sur un service bien spécifique.
Le résultat : 8770 sites web utilisaient ces icônes. Bon, nous nous attendions à un tel résultat, après tout, notre politique permet aux gens d’utiliser nos icônes gratuitement du moment qu’ils nous créditent. Beaucoup de gens utilisaient donc nos icônes, mais combien d’entre eux les utilisaient illégalement ?
Parfois, il vaut mieux ne rien savoir.
- 900 occurrences de vol
- 3 icônes volées en moyenne par occurrence (chaque vol pouvant compter entre 1 et 50 icônes)
- Environ 10% des sites web utilisaient nos icônes illégalement (ce pourcentage était surtout constant pour les autres packs d’icônes que nous avions mis en ligne)
Nous connaissions le problème, il nous fallait maintenant l’arme adéquate pour le régler.
Le choix de l’arme
Notre seule arme à disposition était l’e-mail, que nous envoyions sous trois formes, chacune avec des résultats différents :
Mail amical : ton amical, aucune mention de la DMCA, aucune revendication :
Bonjour ! Nous avons remarqué que vous utilisez nos icônes sur votre site, mais nous n’avons trouvé aucun lien nous faisant référence ni aucune licence associée à votre adresse. Il s’agit peut-être d’une erreur de notre part, pourriez-vous nous indiquer où se trouve le lien ? Dans le cas où vous ignoriez qu’il fallait nous créditer pour les utiliser, pas de soucis, retirez les icônes de votre site et il n’y aura plus aucun problème.
Bien cordialement,
L’équipe Icons8
Efficacité : 0 réponses sur 10
Mail diplomate : requête neutre, mention de la DMCA
Bonjour ! Nous avons remarqué que vous utilisez nos icônes sur votre site web sans nous créditer avec un lien. Veuillez nous indiquer votre numéro de licence ou retirer les icônes de votre site, dans le cas contraire, nous serons forcés d’invoquer la DMCA pour s’en occuper.
Cordialement,
L’équipe Icons8
Efficacité : 1 réponse sur 10
Mail agressif : Contact de l’hébergeur du site, violation de la DMCA, demande de licence.
Dans ce cas-là, nous contactions directement l’hébergeur du site en infraction afin de les prévenir de la violation de la DMCA. Puis nous prévoyions d’envoyer trois lettres au contrevenant, des lettres de ce genre : 1, 2 et 3.
Efficacité : 10 réponses sur 10
Il faut croire que celui qui a dit « La gentillesse donne naissance à la bonté » n’était pas créateur d’icônes. Nous envoyions alors une vingtaine de messages méchants par jour, une vingtaine, c’est pratiquement le même nombre d’icônes que nous créions par jour à l’époque.
Stuart Crawford, graphiste et fondateur d’Inkbot Design, raconte qu’il a vécu une expérience similaire :
« On m’a tout fait, la plupart du temps, il s’agissait d’un simple vol de design de logo, souvent sans même qu’on essaye de le cacher, mais parfois cela pouvait aller jusqu’au vol de portfolios complets, voire jusqu’à la réplication exacte de sites web avec les noms des contrevenants à la place du mien. Mais bien heureusement, ces derniers cas étaient beaucoup moins fréquents. Il y a un moment où la situation avait tellement empiré que je me réservais chaque mois une session pour envoyer un e-mail aux voleurs de droits d’auteurs à propos de la violation de la DMCA, en expliquant que je savais ce qu’ils faisaient, puis j’envoyais un e-mail à l’hébergeur de leurs sites pour essayer de les faire fermer. La procédure ne fut pas très efficace, mais lorsqu’elle fonctionnait, j’avais au moins l’impression d’empêcher leurs (mes) clients potentiels de se faire arnaquer.
D’une manière générale, les designers voient leur travail et leurs efforts piétinés quotidiennement par des clients cherchant un design gratuit, ou par d’autres graphistes sans scrupules qui n’hésitent pas faire passer le travail des autres pour le leur afin de gagner un client – il s’agit souvent de sites de crowdsourcing ou des plateformes de freelance. »
Tir ami
Mais dans notre rage justifiée, nous avons fait souffrir des personnes qui nous avaient toujours soutenues. Certaines personnes avaient obtenu nos icônes par l’intermédiaire d’autres agences de design, tandis que d’autres avaient simplement utilisé un compte différent, mais dans tous les cas, l’expérience fut douloureuse pour chaque partie.
Conséquences
Une rapide et vague estimation (900×3/365) nous a permis de déterminer que l’on nous volait en moyenne sept icônes quotidiennement, et ça, uniquement pour les 655 icônes hébergées. Nous n’avons jamais eu le courage de vérifier pour notre librairie entière (10000 icônes à l’époque), mais une chose était sûre : on nous volait nos icônes plus vite que nous ne pouvions les dessiner.
Cette campagne de mails agressifs dura plusieurs mois et fut un véritable massacre numérique. On ne voyait pas la fin du combat, nous gagnions quelques batailles mais nous avions l’impression de perdre la guerre, sans aucune joie ni consolation dans la victoire. Ce n’est que bien plus tard, fatigués et las de cette expériences douloureuse et désagréable, que nous avons décidé d’arrêter.
Conclusion
Dans 70% des cas, une seule icône était volée, on justifie depuis longtemps ce genre de choses de la même manière : « c’est juste un(e)… », c’est juste un logo, c’est juste un module, c’est rien qu’un tout petit site web, etc.
Cette même justification s’appliquait il y a des années, avant la naissance de l’internet : c’est juste une pomme, rien qu’un petit mouton… mais alors qu’est-ce qui a changé avec internet ? On ne vole toujours qu’une petite icône, mais aujourd’hui nous faisons face à des milliers de voleurs. Si chacun d’entre eux vole une icône, c’est une librairie d’icônes, le travail de plusieurs années, qui se retrouve dispersée sur la toile.
Il y a un autre dicton populaire de nos jours pour justifier les vols :
Généré avec Pedro à partir de l’icône Rouleau à peinture
Mais comme la plupart les expressions surutilisées, cette phrase a été interprétée de tellement de façons différentes qu’elle en a perdu son sens premier, si elle en avait un.
Jacob Cass, graphiste et fondateur de Just Creative, arrêta d’utiliser ce logo en 2012 :
Ce qui n’est pas le cas de ces personnes :
Mais ce n’est pas tout, Jacob nous raconte la meilleure :
« Certaines personne avaient volé ma biographie, quelqu’un avait même volé la photo de mon bureau à domicile pour ajouter leur nom par-dessus avec photoshop. »
« Les grands artistes volent », une belle excuse derrière laquelle il est facile de se cacher. Mais la vérité, c’est que nous avons tous volé quelque chose à quelqu’un au moins une fois, par exemple, notre vidéo tutoriel pour invoquer la DCMA afin de faire fermer un site : cette vidéo a été enregistrée avec un logiciel piraté, que nous avons acheté depuis. Quand l’avons-nous acheté ? Au moment même où nous avons cessé de nous justifier, mais personne ne nous y a forcé.
Forcer la main n’a pas fonctionné lors de notre petite « guerre » non plus, car ce n’est que pas l’argent ou le temps perdu qui a donné à cette expérience un arrière-goût amer, mais surtout le lien émotionnel envers les gens. Notre dernier e-mail de ce genre date d’avril 2015.
Un peu plus haut, nous avons estimé que 10% des utilisateurs nous volait des icônes, ce que signifie que ce n’est pas le cas pour 90% d’entre eux. S’il y a bien une chose que nous pouvons faire, c’est remercier ces personnes, cet article est donc dédié à ces gens honnêtes. Un grand merci, de la part de notre équipe de créateurs.
Généré avec Pedro à partir de l’icône Conférence téléphonique
Paul
Pendant ce temps là, chez Axenet : http://blog.axe-net.fr/workinc-ma-casablanca-voleur/
Arnaud STECKLE
Merci pour cet article complet ! J’ai connu ce type de vol régulièrement avec Webdesigner Trends, sans forcément savoir comment réagir au mieux.
Veille du 2 novembre 2016 – 10mentionBlog 2016
[…] Comment réagir face à des vols d’icônes quotidiens ? […]